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je me hasardai, en 1747, d’avancer dans cette baie avec quelques Groënlandais qui chassaient aux rennes. Quand j’eus fait quatorze lieues à travers les glaces, je grimpai sur une montagne d’où je crus pouvoir découvrir toute la longueur du détroit ; mais ma vue, qui s’étendait à quarante lieues, ne m’offrit que des montagnes et des glaces entassées les unes sur les autres ; de sorte qu’elles devaient me cacher l’embouchure orientale que je cherchais, soit qu’elle fût entre ces amas de glaces flottantes, ou derrière cette longue suite de montagnes. Je fus cependant arrêté sur ce sommet par un bruit extraordinaire, comme de plusieurs canons qui tireraient à la fois. Cétait le froissement des glaces qui se heurtaient dans le passage étroit où le courant les entraînait ; d’un autre côté, c’était comme le mugissement d’une cascade. Je restai quelque temps absorbé dans ce sentiment mêle de terreur et d’admiration que la nature inspire quand elle se montre ou se fait entendre au loin. Je compris que c’était l’eau qui coulait avec fracas sous les pièces de glace, et que par conséquent il y avait un courant qui les poussait dans ce détroit ; mais je n’en étais que plus embarrassé de comprendre comment le détroit pouvait être bouché, tandis qu’il y passait chaque année, en très-peu de jours, une quantité de glaces d’une étendue si considérable. En 1751, j’eus la solution de ce problème dans un voyage que je fis à Isblink, où j’avançai dans les terres aussi loin qu’aucun