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notre supériorité, et l’habitude où ils sont de craindre et de servir les Européens.

Brue partit de Ghiorel, et continua de remonter le Sénégal jusqu’au village de Dembakané, près des frontières du royaume de Galam ; mais il eut, dans cet intervalle, un spectacle fort étrange. Tout d’un coup le soleil fut éclipsé par un nuage épais pendant l’espace d’un quart d’heure. Les Français reconnurent bientôt que c’était une légion de sauterelles. En passant au-dessus de la barque, elles la couvrirent d’excrémens. Quelques-uns de ces animaux, étant tombés dans le même temps, parurent entièrement verts, plus longs et plus épais que le petit doigt, avec deux dents effilées et très-propres à la destruction. Cette terrible armée fut plus de deux heures à traverser la rivière. Brue n’apprit pas qu’elle eût causé beaucoup de mal dans le pays. Il supposa qu’un vent de sud-est, qui s’éleva aussitôt et qui devint fort violent,la poussa vers le désert, au nord du Sénégal, où elle périt apparemment faute de subsistance.

Les rives du Sénégal, depuis Dembakané jusqu’à Tuabo, sont couvertes de ronces fort piquantes ; elles ont la forme de l’if, et le nombre en est si grand, qu’elles ne permettent pas de marcher le long de la rivière pour tirer les barques contre le courant. En arrivant à Tuabo, Brue trouva, une nouvelle espèce de singes, d’un rouge si vif, qu’on l’aurait pris pour une peinture de l’art : ils sont fort gros