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Il ne doutait pas de l’existence d’un paradis ; mais il déclara naturellement à Brue qu’il n’espérait pas d’y être reçu, parce qu’il avait été fort méchant, et qu’il ne se sentait, disait-il, aucune disposition à devenir meilleur. Effectivement, il s’était rendu coupable de mille actions cruelles ; il avait dépouillé, banni ou tué ceux qui avaient eu le malheur de lui déplaire. Comme il possédait deux royaumes, celui de Cayor et celui de Baol, il se croyait plus grand que tous les monarques d’Europe ; et, faisant quantité de questions à Brue sur le roi de France, il demandait comment il était vêtu, combien il avait de femmes, quelles étaient ses forces de terre et de mer, le nombre de ses gardes, de ses palais, de ses revenus, et si les seigneurs de sa cour étaient aussi bien vêtus que les seigneurs nègres ; et, lorsque Brue s’efforçait de lui donner une idée de la grandeur du roi de France, ce qui lui paraissait le plus incroyable, c’était qu’un si grand roi n’eût qu’une femme. Il demandait comment il pouvait faire lorsqu’elle était enceinte ou malade. Le général répondit qu’il attendait qu’elle se portât mieux. « Bon ! lui dit le monarque nègre, il a trop d’esprit pour être capable de tant de patience. »

Un jour il fit présent au général d’une femme qui paraissait d’une condition supérieure à l’esclavage. En effet, elle avait été l’épouse d’un des principaux officiers de sa cour. Son mari, la soupçonnant d’infidélité, aurait pu