Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 2.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec les mains sans ressentir un horrible engourdissement dans le bras et jusqu’aux épaules. On ne saurait marcher dessus, même avec des souliers, sans éprouver la même sensibilité dans les jambes, aux genoux, et jusqu’aux cuisses. Ceux qui la touchent des pieds sont saisis d’une palpitation de cœur encore plus vive que ceux qui ne l’ont touchée qu’avec la main.

Au reste, cet engourdissement ne ressemble point à celui qui se fait quelquefois sentir dans un membre, lorsque, ayant été pressé long-temps, la circulation du sang et des esprits s’y trouve contrainte. C’est une vapeur subite, qui, passant au travers des pores, pénètre en un moment dans tout le corps, et agit sur l’âme par une véritable douleur. Les nerfs se contractent tellement, qu’on s’imagine que tous les os, surtout ceux de la partie affectée, sont sortis de leurs jointures. Cet effet est accompagné d’un tremblement de cœur et d’une convulsion générale, pendant laquelle on ne se trouve plus aucune marque de sentiment. Enfin l’impression est si violente, que toute la force de l’autorité et des promesses n’engagerait pas un matelot à reprendre le poisson dans sa main lorsqu’il en a ressenti l’effet. Cependant, Kæmpfer rend témoignage qu’en faisant ces observations, il vit un Africain qui prenait la torpille sans aucune marque de frayeur, et qui la toucha quelque temps avec la même tranquillité. Kæmpfer, ayant remarqué un si singulier secret, apprit que le moyen de pré-