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mais ce fut pour recommencer dix ou douze fois les mêmes actes de religion ; ce qui prit plus d’une demi-heure.

Aussitôt qu’il eût fini, il se tourna vers Cadamosto , en lui demandant ce qu’il pensait de ce culte, et le priant de lui donner quelque idée de la religion des chrétiens. Cadamosto eut la hardiesse de lui répondre en présence de ses prêtres que la religion de Mahomet était fausse, et que celle de Rome était la seule véritable. Ce discours fit rire les Arabes et Boudomel. Cependant, après un moment de réflexion, ce prince dit à Cadamosto qu’il croyait la religion des Européens fort bonne, parce qu’il n’y avait que Dieu qui pût leur avoir donné tant de richesses et d’esprit. Il ajouta que celle de Mahomet lui paraissait bonne aussi, et qu’il était même persuadé que les Nègres étaient plus sûrs de leur salut que les chrétiens, parce que Dieu était un maître juste ; que, donnant aux chrétiens leur paradis dans ce monde, il fallait que dans l’autre il réservât de grandes récompenses aux Nègres qui manquaient de tout dans celui-ci. Il y avait dans ce discours plus de sens qu’on n’en devait attendre d’un despote nègre tel qu’on vient de le peindre.

La chaleur est si excessive dans les régions des Nègres, qu’il n’y croit ni froment, ni riz, ni aucune sorte de grain qui puisse servir à leur nourriture. Les vignes n’y viennent pas plus heureusement. Ils ont mis leurs terres à l’épreuve en y jetant diverses semences qu’ils re-