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fait présent, et portait une manille dans la crainte de l’oublier ; mais ses besoins et ceux de sa famille l’ayant emporté sur son serment, sa mort, qui arriva quelques jours après, fut regardée de tous les Nègres comme un effet signalé de la vengeance du ciel.

Entre une infinité d’autres superstitions, la plus commune et la plus remarquable est celle des grisgris dont nous avons déjà parlé. Chaque grisgris a sa vertu particulière ; l’un contre le péril de se noyer, l’autre contre la blessure des zagaies ou la morsure des serpens. Il y en a qui doivent rendre invulnérable, aider les plongeurs et les nageurs, procurer une pêche abondante. D’autres éloignent l’occasion de tomber dans l’esclavage, procurent de belles femmes et beaucoup d’enfans. Enfin les marabouts inventent des grisgris en faveur de tous les désirs et contre toutes les craintes. On sait d’ailleurs que, sur l’article des grisgris, il n’y a guère de peuple sur la terre qui ait droit de se moquer des Nègres.

Moore remarque qu’en allant à la guerre, le plus pauvre Nègre achète un grisgris des marabouts pour se garantir de toutes sortes de blessures. Si le charme manque de pouvoir, les marabouts en rejettent la faute sur la mauvaise conduite des Nègres, que Mahomet n’a pas jugés dignes de sa protection. Les prophètes des croisades se justifiaient de la même manière, ce qui est un moyen sûr de n’avoir jamais tort. Les marabouts se ressemblent