est adossé contre les claies, sur lesquelles on met par intervalles des tas de verdure. Lorsque la marée a tout couvert, les anguilles, qui cherchent toujours les bords et que la verdure attire, se rassemblent en grand nombre le long de la palissade, entrent dans les éperviers qui les conduisent dans les prisons qu’on leur a préparées, et souvent, d’une seule marée, tous les coffres s’en trouvent remplis.
Cette peinture du caractère et de la vie des habitans de l’Amérique septentrionale paraît suffire pour les faire connaître et pour faire juger à quel point ils méritent le nom de sauvages. Le père Charlevoix, qui ramène toutes ses recherches et ses réflexions à cette idée, convient que l’opposition de leurs usages aux nôtres a pu leur faire donner d’abord le nom de barbares, dans le sens que les Romains le donnaient à tous les peuples qui n’étaient pas Grecs ou Latins ; mais il ne cesse point de répéter qu’à l’exception de la guerre que ces Américains ont toujours faite avec la dernière inhumanité, ils n’avaient autrefois rien de méprisable, puisque, dans leur grossièreté naturelle, ils étaient sages et heureux. C’est depuis l’arrivée des Européens qu’ils ont commencé réellement à se dépraver. L’usage des liqueurs fortes leur a causé plus de mal que toutes les guerres : il les a rendus intéressés ; il a trouble la douceur qu’ils goûtaient dans leurs sociétés domestiques et dans le commerce de la vie. Cependant, comme ils ne sont frappés que de