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avait observé que plusieurs aventuriers ne continuaient de mener une vie errante et libertine que faute de secours pour commencer une habitation. Non-seulement il en informa la compagnie, avec des représentations qui l’engagèrent à faire des avances en faveur de ceux qui voudraient s’attacher à la culture des terres, mais il ne ménagea point ses propres deniers dans la même vue, et cette libéralité fut toujours sans intérêt. Ensuite, sous prétexte d’envoyer ses propres marchandises en France, il acheta deux navires, qui furent moins à lui qu’à ses habitans : chacun y embarquait ses denrées pour un fret modique. Au retour, le généreux gouverneur faisait étaler la cargaison à la vue du public ; et non-seulement il n’exigeait pas que ce qu’on prenait fût payé argent comptant, mais il ne voulait pas même de billet. Une promesse verbale était la seule garantie qu’il exigeait. Cette conduite lui gagnait les cœurs, et lui faisait ouvrir toutes les bourses. On accourait de toutes parts à la Tortue ou à la côte de Saint-Domingue pour vivre sous un gouvernement si doux. Les Angevins firent le plus grand nombre, parce que d’Ogeron était d’Anjou. Insensiblement toute cette partie de la côte septentrionale de Saint-Domingue qui est entre le Port-Margot et le Port-de-Paix se trouva peuplée. La guerre que la révolution de Portugal avait allumée entre cette couronne et celle d’Espagne donna occasion au gouverneur de s’attacher aussi un