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mettre sa colonie en réputation. Ses projets furent mal secondés de la cour ; mais la Tortue et la côte de Saint-Domingue n’en prirent pas moins une nouvelle face. En 1667, on donna plus d’attention à la demande qu’il fit d’un certain nombre de filles pour marier ses habitans. Quoique le premier envoi ne fût pas considérable, on remarqua bientôt un grand changement dans la colonie. Les liens de la nature et du mariage adoucirent les mœurs des hommes, et les femmes montrèrent plus d’une fois le courage de leurs maris.

La compagnie n’avait envoyé que cinquante filles, qui furent aussitôt vendues et livrées à ceux qui en offrirent le plus. D’Ogeron renvoya promptement en France le bâtiment qui les avait apportées ; et bientôt on le vit revenir avec une autre charge, dont le débit ne fut pas plus lent. Mais on ne continua pas avec le même zèle de seconder les vues du gouverneur. Après la guerre, quantité de jeunes gens que rien ne retenait sur les côtes de Saint-Domingue, et qui s’y seraient établis, s’ils y avaient pu trouver des femmes, passèrent au service des étrangers. On commença néanmoins à faire transporter des filles engagées pour trois ans ; mais les désordres dont ce commerce devint la source le firent bientôt cesser. D’Ogeron, fertile en expédiens pour rendre sa colonie florissante, en inventa un qui réussit merveilleusement, et qui ne fit pas moins d’honneur à sa générosité qu’à sa prudence. Il