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duit lui-même à vivre quelque temps avec les boucaniers, dont son mérite lui attira beaucoup de considération.

Il n’était pas sans ressource en France, où il avait laissé ordre à ses correspondans de lui envoyer des marchandises à la Martinique ; et lorsqu’il vit approcher le temps auquel ce secours devait arriver, il partit pour l’aller recevoir. Mais il apprit en débarquant que le convoi était venu, et malheureusement dissipé. Cette continuation d’infortune l’obligea de repasser en France avec la valeur de cinq ou six cents francs en marchandises, et sa famille le crut dégoûté des entreprises de mer. Cependant, à peine eut-il pris quelques jours de repos, qu’il employa tout l’argent qu’il put recueillir à lever des engagés, à fréter un vaisseau, à le remplir de vins, et d’eau-de-vie, et qu’il prit la route de Saint-Domingue, avec d’autant plus d’espérance de faire un profit considérable sur sa cargaison, qu’il avait observé dans cette île que les liqueurs y manquaient. Mais, depuis qu’il en était parti, on y en avait porté une si grande quantité, qu’elles y étaient à vil prix. Il porta sa marchandise à la Jamaïque, où des commissionnaires, qu’il connaissait mal, le trompèrent si cruellement, qu’il n’en tira pas un sou. Ce second voyage lui coûta, dit-on, dix ou douze mille livres.

Il retourna droit en France. Un de ses amis s’y était chargé de lui faire construire pendant son absence un navire plus propre à porter