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saient qu’avec l’abondance. Alors on se remettait en mer, et les fatigues recommençaient dans la même vue, c’est-à-dire, pour conduire encore à la débauche. Jamais ils ne s’engageaient au combat sans s’être embrassés les uns les autres avec de parfaits témoignages de réconciliation. Ils se donnaient même de grands coups sur la poitrine, comme s’ils se fussent efforcés d’exciter dans leur cœur une componction qu’ils ne connaissaient guère. En sortant du danger, ils retombaient dans leur crapule, dans leurs blasphèmes et leurs brigandages.

Les côtes que les flibustiers fréquentaient le plus étaient celles de Cumana, de Carthagène, de Porto-Bello, de Panama, de Cuba, et de la Nouvelle Espagne, l’embouchure du Chagre, et les environs de Maracaïbo et de Nicaragua ; mais ils couraient rarement sur les navires qui allaient d’Europe en Amérique, parce que, ces bâtimens n’étant chargés que de marchandises, ils n’auraient reçu que de l’embarras de mille choses dont ils n’auraient pu trouver facilement le débit. C’était au retour qu’ils les cherchaient, lorsqu’ils se croyaient sûrs d’y trouver de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, et toutes les riches productions du Nouveau Monde. Ils suivaient ordinairement les galions jusqu’à la sortie du canal de Bahama ; lorsqu’un gros temps ou quelque autre accident de mer retardait un bâtiment de la flotte, c’était une proie qui ne leur échap-