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s’embarquaient jamais sans avoir fait des prières publiques pour demander au ciel le succès de leur expédition, comme ils ne manquaient point de lui rendre des grâces solennelles après la victoire. Il semblait que le ciel se servit d’eux pour châtier les Espagnols des cruautés inouïes qu’ils avaient exercées contre les habitans du Nouveau Monde. Les relations publiques avaient rendu le nom des Espagnols très-odieux. On a vu des aventuriers qui, sans aucune vue de libertinage ou d’intérêt, ne leur faisaient la guerre que par animosité. Tel fut un gentilhomme de Languedoc, nommé Monbars, qui, dès sa plus tendre jeunesse, avait pris contre eux, dans ses lectures, une aversion si forte, qu’elle semblait tourner quelquefois en fureur. On raconte qu’étant au collége, et jouant dans une pièce de théâtre le rôle d’un Français qui avait quelque démêlé avec un Espagnol, il entra en ce moment dans une telle fureur, qu’il se jeta sur celui qui représentait l’Espagnol, et que, sans un prompt secours, il l’aurait tué. Une passion capable de cet excès n’était pas facile à réprimer. Monbars ne respirait que les occasions de l’assouvir dans le sang espagnol ; et la guerre ne fut pas plus tôt déclarée entre la France et l’Espagne, qu’il monta sur mer pour les aller chercher sur les mêmes côtes que les premiers conquérans ont tant de fois rougies du sang des Américains. On ne peut représenter tous les maux qu’il leur causa, tantôt sur terre, à la tête des