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entièrement de bœufs. Alors la plupart des boucaniers, qui ne trouvèrent plus de quoi subsister ni continuer leur commerce, se virent dans la nécessité d’embrasser un autre genre de vie. Plusieurs s’attachèrent à former des habitations. Les quartiers du grand et du petit Goave furent défrichés, et l’établissement du port de Paix s’accrut beaucoup à cette occasion. Ceux qui ne purent s’accommoder d’une vie sédentaire se rangèrent parmi les flibustiers, et leur jonction rendit ce corps très-célèbre.

On s’imagine aisément qu’entre les fugitifs de la Tortue, dont on a rapporté les aventures, ce n’étaient pas les plus honnêtes gens qui avaient donné naissance à la flibuste. Rien n’avait été plus faible que les commencemens de cette redoutable milice. Les premiers n’avaient eu ni vaisseaux, ni munitions, ni pilotes ; mais la hardiesse et le génie leur avaient fait trouver les moyens d’y suppléer. Ils avaient commencé par se joindre, pour former de petites sociétés, auxquelles ils avaient donné, comme les boucaniers, le nom de matelotage. Entre eux, ils ne s’en donnaient pas d’autre que celui de Frères de la côte, qui s’étendit ensuite à tous les aventuriers, surtout aux boucaniers de Saint-Domingue. Chaque société de flibustiers acheta un canot, et chaque canot portait vingt-cinq ou trente hommes. Avec cet équipage, ils ne s’attachaient d’abord qu’à surprendre quelques barques de pêcheurs