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C’était fait de tout ce corps d’aventuriers ; et la seule Cinquantaine eût achevé de les exterminer, s’ils ne se fussent attroupés pour se défendre. Ils se vengèrent alors avec la dernière fureur, et toute l’île fut inondée de sang. De là le nom de Massacre donné à plusieurs endroits qui le conservent encore. Cependant l’Espagne ayant envoyé au secours de sa colonie des troupes du continent et de quelques îles voisines, les boucaniers commencèrent à craindre de ne pouvoir résister à tant de forces, sans compter que leurs chasses étaient interrompues par une guerre si sanglante. Après une mûre délibération, ils prirent le parti de transporter leurs boucans dans les petites îles qui environnent celle de Saint-Domingue, de s’y retirer chaque jour au soir, et de n’aller à la chasse qu’en troupes nombreuses. Cet expédient les mit en état de vivre et de continuer la guerre avec une sorte d’égalité. Il arriva même que les nouveaux boucans, étant moins exposés, devinrent des habitations plus régulières ; et c’est à ce changement que l’établissement français de Bayaha doit son origine. C’est d’ailleurs le plus spacieux et le plus beau port de toute l’île : une petite île, qui en occupe le centre, en défend l’entrée, et les plus gros navires y peuvent mouiller fort près de terre. D’ailleurs la chasse y était très-abondante, et les boucaniers pouvaient se rendre en peu d’heures à la Tortue pour y vendre leurs cuirs. Bientôt même on leur épargna ce