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enfans, ils avaient pris l’usage de s’associer deux à deux, pour vivre ensemble et se rendre mutuellement les secours qu’un père trouve dans sa famille. Tous les biens étaient communs dans chaque société, et demeuraient à celui des deux qui survivait à l’autre. C’est ce qu’ils nommaient s’emmateloter ; et de là vient dit-on, le nom de matelotage qu’on donne encore aux sociétés qui se forment pour des intérêts communs. La droiture et la franchise étaient si bien établies, non-seulement entre les associés, mais d’une société à l’autre qu’on ne tenait rien sous la clef ; et que le moindre larcin était un crime irrémissible pour lequel on aurait été chassé du corps. Mais on n’en avait pas même l’occasion : tout était commun ; ce qu’on ne trouvait pas chez soi, on l’allait prendre chez ses voisins, sans autre assujettissement que de leur en demander la permission ; et ceux à qui l’on s’adressait se seraient déshonorés par un refus. On ne connaissait pas d’ailleurs d’autres lois qu’un bizarre assemblage de conventions dont la coutume faisait toute l’autorité, et contre lesquelles on admettait d’autant moins d’objections, que les boucaniers se prétendaient affranchis de toute obligation précédente par le baptême de mer qu’ils avaient reçu au passage du tropique. Ils ne se croyaient pas beaucoup plus dépendans du gouverneur de la Tortue, auquel ils se contentaient de rendre quelque léger hommage. La religion même conservait si peu de droits sur eux, qu’à