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même de sa religion ne put se garantir de ses violences. Cependant il n’avait pas encore levé l’étendard de la révolte ; et quoiqu’il exécutât mal les ordres du gouverneur-général, il avait toujours gardé quelques dehors de bienséance avec lui ; mais lorsqu’il se crut en état de se faire redouter, il leva le masque. Les flibustiers avaient trouvé dans un navire espagnol qu’ils avaient pillé une statue d’argent qui représentait la mère du Sauveur. Elle fut apportée à Le Vasseur ; et le gouverneur-général, qui en fut informé, la lui fit demander, comme un meuble plus convenable à des catholiques qu’à des protestans. Le Vasseur en fit faire une de bois, qu’il se hâta de lui envoyer, en lui écrivant que les catholiques étaient trop spirituels pour s’attacher à la matière dans les objets de leur culte ; et que, pour lui, il avait trouvé la statue si bien travaillée, qu’il n’avait pu se résoudre à se défaire d’un si bel ouvrage. Poincy sentit vivement cette insolence ; mais il se trouvait embarrassé alors dans une affaire qui l’intéressait encore plus. La cour avait nommé, vers la fin de l’année précédente, un lieutenant-général des îles, et son arrivée avait causé de la division entre les Français. C’était cette occasion que Le Vasseur avait saisie pour exécuter un projet qu’on le soupçonnait de méditer depuis long-temps. Malgré la dureté de son gouvernement, il sut tourner avec tant d’adresse l’esprit de ses sujets, en leur faisant regarder la Tortue comme un asile pour tous