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petite république protestante, et qu’on ne lui fit un crime à la cour de lui en avoir fourni l’occasion. L’un ou l’autre de ces deux motifs lui fit chercher les moyens de le déplacer, avant qu’il pût se rendre tout-à-fait indépendant. Il lui envoya Lonvilliers, son neveu, sous prétexte de le féliciter de sa victoire, mais avec l’ordre secret de se saisir du gouvernement de l’île. Le Vasseur s’en défia, et sut éviter le piége.

Il ne lui manquait que de savoir gouverner sa colonie avec autant de modération qu’il avait marqué de conduite et de valeur à la défendre. Mais lorsqu’il se crut à couvert des dangers du dehors, il compta pour rien l’affection des Français mêmes qui étaient sous ses ordres, et bientôt il s’attira leur haine. Il commença par les catholiques, auxquels il interdit tout exercice de leur religion, et dont il travailla sourdement à se défaire. Il fit brûler leur chapelle ; il chassa deux prêtres qui la desservaient. Ensuite, les religionnaires ne furent pas mieux traités. Il les chargea d’impôts et de corvées ; il mit des taxes excessives sur toutes les denrées et les marchandises qui entraient dans l’île ; enfin il y établit une véritable tyrannie. Les fautes les plus légères étaient toujours punies avec excès. Il avait fait faire une cage de fer, où l’on ne pouvait être debout ni couché, et qu’il nommait son enfer. C’était assez de lui avoir déplu pour y être enfermé. On n’était guère plus à l’aise dans le donjon du château qu’il avait nommé son purgatoire. Le ministre