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galité du nombre, entreprirent de se donner un autre général ; mais ils avaient fait cette réflexion trop tard ; et Willis, qui se trouvait déjà le plus fort, ne fit que se moquer d’eux. Enfin la colonie était perdue pour la France, sans la résolution d’un Français, dont on doit regretter que l’histoire n’ait pas conservé le nom. Cet aventurier s’embarqua secrètement sur un bâtiment qui allait à Saint-Christophe, et n’y fut pas plus tôt arrivé, qu’il informa le commandeur de Poincy, gouverneur-général des îles du Vent, de la supériorité que les Anglais prenaient à la Tortue. Le commandeur sentit l’importance du mal et la difficulté d’y remédier. Il avait parmi ses officiers un ingénieur dont il connaissait également le courage et l’habileté, et qui avait accompagné d’Enambuc dans la première expédition de Saint-Christophe. Ce brave homme, qui se nommait Le Vasseur, était protestant ; et la confiance que Poincy lui avait toujours marquée passait pour une faveur injurieuse aux catholiques, qui lui avait attiré les reproches de la cour. On juge que ce fut pour se défaire de cet officier sous un prétexte honorable qu’il résolut de le mettre en tête à Willis. Il lui donna le gouvernement de la Tortue ; et, dans la vue apparemment de l’animer, il lui promit, par un article secret, la liberté de conscience, pour lui et pour tous les protestans français qui voudraient l’accompagner.

Le Vasseur en trouva trente-neuf, et ne se