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nager est plus fatigante, parce que la pagaie est sans point d’appui, et n’a pour centre de mouvement que la main qui la tient près de la pelle, tandis qu’elle le reçoit de celle qui la pousse par le bout. Mais cet inconvénient paraît balancé par quantité d’avantages : on peut doubler et tripler le nombre des rameurs ; la diligence est infiniment plus grande. Ceux qui sont dans la pirogue ou le bacassa ne sentent point le mouvement importun et les sauts que causent les rames ; enfin l’on n’est point étourdi par le bruit de leur frottement sur les bords. Labat observe combien ce dernier point est important. Les flibustiers, qui l’avaient appris, dit-il, des Caraïbes, s’en servaient avec autant d’habileté qu’eux pour entrer la nuit dans les ports, dans les rades et dans tous les lieux où, voulant faire des descentes, ils sentaient que le succès dépendait de la surprise. On plonge les pagaies dans l’eau, et on les retire sans faire le moindre bruit.

» Il sera facile de concevoir pourquoi la pagaie du Caraïbe qui gouverne est d’un tiers plus grande que celles qui servent à nager, si l’on se rappelle que l’arrière des pirogues est toujours plus élevé que le milieu, et si l’on considère que celui qui gouverne, devant avoir la vue libre par-dessus ceux qui nagent, doit avoir aussi son siége beaucoup plus haut. D’ailleurs, comme il est plus souvent debout qu’assis, cette situation, jointe à la hauteur de