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sissent les jeunes hommes de belle taille qui se sont déjà distingués à la chasse ou dans leurs guerres. Ceux qui se refusent au choix sont déshonorés, et n’osent plus se montrer dans leur patrie. On leur fait faire d’abord quelques-unes des folles cérémonies qu’on a rapportées d’après Smith ; mais la principale est une longue retraite dans les bois, où ils sont renfermés sans aucune communication, et sans autre nourriture que la décoction de quelques racines qui ont la vertu de troubler le cerveau. Ce breuvage, qu’ils appellent ouisoccan, joint à la sévérité de la discipline, les jette dans une espèce de folie qui dure dix-huit ou vingt jours. L’édifice où ils sont gardés est environné d’une forte palissade. Notre auteur en vit un en 1694, dans les terres des Indiens de Pamouky ; sa forme était celle d’un pain de sucre ; et, percé de trous comme il était pour donner passage à l’air, on l’aurait pris pour une cage d’oiseaux. Lorsqu’on leur a fait assez boire de leur liqueur, on en diminue la dose, pour les ramener par degrés au bon sens ; mais avant qu’ils soient tout-à-fait rétablis, on les conduit dans toutes les bourgades de la nation. Ensuite ils n’osent pas dire qu’ils conservent le moindre souvenir du passé, dans la crainte d’être huscanoués une seconde fois, parce qu’alors le traitement est si rude, qu’il finit ordinairement par la mort. Ils faut qu’ils deviennent comme sourds-muets, et qu’ils paraissent avoir perdu toutes leurs connaissances