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ils n’adoraient pas plutôt ce Dieu bon qu’ils reconnaissaient auteur de tous les biens. Il me répondit qu’à la vérité Dieu était l’auteur de tous les biens, mais qu’il ne se mêlait pas de les distribuer aux hommes ; que, les abandonnant à eux-mêmes, il leur laissait la liberté d’user des biens qui étaient son ouvrage, et de s’en procurer le plus qu’ils pouvaient ; que par conséquent il était inutile de le craindre et de l’adorer ; au lieu que, s’ils n’apaisaient le mauvais esprit que j’appelais le diable, il leur enlèverait tous ces biens que Dieu avait donnés à la terre, et leur enverrait la guerre, la famine et la peste ; que, pendant que Dieu jouissait de son bonheur dans le ciel, ce méchant esprit était sans cesse occupé de leurs affaires, qu’il les visitait souvent, et qu’il était dans l’air, dans le tonnerre et les tempêtes.

» Je lui parlai ensuite de l’idole qu’ils adoraient dans leur quioccosan, et je l’assurai que c’était un morceau de bois insensible, fait par la main des hommes, qui ne pouvait entendre, ni voir, ni parler ; incapable, par conséquent, de leur faire ni bien ni mal. Il parut embarrassé : il hésita. J’entendis quelques mots entrecoupés, tels que : ce sont nos prêtres… ils nous disent, ils nous font croire… ce sont nos prêtres…. Alors il m’assura que sa conscience ne lui permettait pas de m’en dire davantage. »

L’application que le Virginien apporta long-temps au même sujet lui fit observer que les devins ont beaucoup de pouvoir sur ces Indiens,