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grand nombre, qu’il faisait instruire ou qu’il instruisait lui-même avec autant de zèle que de libéralité, et qui mourut dans ce pieux exercice, sans avoir eu la satisfaction de faire un bon chrétien. Il n’avait pas laissé d’en faire baptiser quelques-uns, sur la constance desquels il croyait pouvoir compter ; mais, après sa mort, ils retournèrent à leur religion. Ils ont une sorte de respect pour le soleil et la lune, mais sans adoration et sans culte : on ne leur a jamais vu de temples ni d’autels ; s’ils ont quelque idée d’un Être suprême, ils le croient tranquille dans la jouissance de son bonheur, et si peu attentif aux actions des hommes, qu’il ne pense pas même à se venger de ceux qui l’offensent. Cependant ils reconnaissent deux sortes d’esprits : les uns bienfaisans, qui demeurent au ciel, et dont chaque homme a le sien pour guide ; les autres, de mauvaise nature, qui parcourent l’air pendant la nuit, sans aucune demeure fixe, et dont toute l’occupation est de nuire. Ce sentiment d’un pouvoir supérieur est mêlé de tant d’extravagances, qu’on n’y démêle rien à l’honneur de la raison. Ils offrent aux bons esprits de la cassave et de la fumée de tabac ; ils les invoquent pour la guérison de leurs maladies, pour le succès de leurs entreprises et pour leur vengeance. Leurs prêtres ou leurs devins, qu’ils nomment boyés, ont chacun leur divinité particulière, dont ils vantent le pouvoir, et dont ils promettent l’assistance, surtout contre la malignité des maboyas, qui