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huit ans, il est difficile de les dresser au travail. Ceux qu’on parvient à former sont assez adroits, et paraissent même attachés à leurs maîtres ; c’est moins par une véritable affection que par jalousie pour les esclaves nègres. Enfin il est difficile de les marier : rarement un Caraïbe veut épouser une négresse, comme il est rare qu’une négresse veuille prendre un Caraïbe. On trouve souvent les mêmes difficultés à marier ensemble les esclaves caraïbes des deux sexes. Quoiqu’ils aient la même langue et les mêmes usages, s’ils sortent de différentes îles entre lesquelles il y ait eu guerre ou quelque sujet d’humilié, il semble qu’ils aient sucé la haine avec le lait, et jamais ils ne s’apprivoisent assez pour s’unir. »

Tout ce qu’on a tenté pour les instruire et pour leur faire embrasser le christianisme est demeuré presque sans effet. Les jésuites et les jacobins ont eu long-temps dans leurs îles de zélés missionnaires qui avaient étudié leur langue, qui vivaient avec eux, et qui ne négligeaient rien pour leur conversion. Le fruit qu’ils ont tiré de leurs travaux s’est réduit à baptiser quelques enfans à l’article de la mort, et des adultes malades dont la guérison paraissait désespérée : non qu’ils ne pussent en baptiser un grand nombre ; mais, connaissant le fond de leur caractère, et surtout une sorte d’indifférence qui leur fait regarder comme un jeu l’action la plus sérieuse, ils ne voulaient pas les recevoir au baptême, qu’ils ne deman-