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gner aucun ressentiment. Il était réservé à un particulier d’exécuter ce que l’état aurait dû faire.

» Dominique de Gourgue, né au Mont-de-Marsan en Gascogne, navigateur habile et hardi, ennemi des Espagnols, dont il avait reçu des outrages personnels, passionné pour sa patrie, pour les expéditions périlleuses et pour la gloire, vend son bien, construit des vaisseaux, choisit des compagnons dignes de lui, va attaquer les meurtriers dans la Floride, les pousse de poste en poste avec une valeur, une activité incroyables, les bat partout ; et , pour opposer dérision à dérision, les fait pendre à des arbres, sur lesquels on écrit : Non comme Espagnols, mais comme assassins.

» L’expédition du brave de Gourgue n’eut pas d’autres suites : soit qu’il manquât de prévisions pour rester dans la Floride, soit qu’il prévît qu’il ne lui viendrait aucun secours de France, soit qu’il crût que l’amitié des sauvages finirait avec les moyens de l’acheter, ou qu’il pensât que les Espagnols viendraient l’accabler, il fit sauter les forts qu’il avait conquis, et reprit la route de sa patrie. Il y fut reçu de tous les citoyens avec l’admiration qui lui était due, et très-mal par la cour. » Il fut obligé de se cacher pour se dérober à la vengeance des Espagnols ; et la cour de France, alors gouvernée par Philippe ii, fut sur le point de sacrifier le seul homme qui eût pris le soin de la venger. L’Europe vit avec indignation ce traitement