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le vaisseau fut dévoré. L’eau douce manqua aussi tout-à-fait. Quelques-uns voulurent boire de l’eau de mer, qui leur causa une mort violente. D’un autre côté, le bâtiment faisait eau de toutes parts, et l’équipage, exténué par la faim, n’était plus capable de travailler à la pompe. Chaque circonstance n’offrit alors qu’un sujet de désespoir. Dans cette affreuse situation, quelqu’un eut la hardiesse de dire qu’un seul pouvait sauver la vie de tous les autres aux dépens de la sienne ; et non-seulement une pareille proposition ne fut pas rejetée avec horreur, mais elle fut applaudie. On était prêt à mettre au sort le choix de la victime, lorsqu’un soldat, qui se nommait Lachau, déclara qu’il offrait sa vie pour reculer de quelques jours la mort de ses compagnons. Il fut pris au mot ; on l’égorgea sur-le-champ sans qu’il fît la moindre résistance. Il ne se perdit pas une goutte de son sang ; tous en burent avec la même avidité, et le corps ayant été mis en pièces, chacun en obtint sa part. Ce prélude eût été suivi sans doute d’une boucherie beaucoup plus sanglante, et la disposition des victimes n’eût pas été consultée, si bientôt on n’eût aperçu la terre, et presque aussitôt un vaisseau qui s’approchait. Il fut attendu : c’était une frégate anglaise, dans laquelle il se trouva un Français, du nombre de ceux qui étaient partis de la Floride avec Ribaut. On apprit de lui que la guerre civile, rallumée en France plus vivement que jamais, n’avait