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besoin que leur réputation soit soutenue par des cabinets de livres qui pourront, avec le temps, se changer en bibliothèques. Je suis persuadé qu’un libraire bien assorti ferait fortune à la Martinique, surtout s’il était homme d’esprit, et qu’avec les livres sa boutique fût garnie de toutes les espèces de papiers, d’écritoires à la mode, de cire d’Espagne, de cachets riches et bien gravés, de lunettes, de télescopes, etc. ; il pourrait s’attendre que sa boutique, grande, propre, fraîche, serait toujours remplie de gens oisifs qui ne manquent point dans l’île, et le rendez-vous des nouvellistes. Je vais plus loin : l’état des choses m’y fait désirer un imprimeur. Car tant de gens qui lisent liront-ils toute leur vie sans écrire ? N’auront-ils pas la démangeaison de devenir auteurs ? On a déjà vu un créole de la Martinique, docteur en droit, et conseiller du conseil supérieur de cette île, donner des romans espagnols de sa composition ; et peu s’en est fallu qu’il n’ait entrepris une histoire générale de Saint-Domingue, sur les mémoires qu’un missionnaire avait dressés. D’ailleurs il est poète, riche, et sans goût pour les affaires. Il écrira sans doute, et sera bien aise de faire imprimer ses ouvrages sous ses yeux. D’autres voudront l’imiter. Il me semble voir déjà sortir une foule d’auteurs de nos chaudières à sucre. Ajoutons qu’on fait à présent des procès par écrit, et que par conséquent il faut des factum. Quelle grâce auraient des factum écrits