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serve d’étendre les sous marqués qu’on leur donne, et de les ranger les uns après les autres à quelque distance, sans jamais doubler les rangs, ni mettre une partie de l’un sur l’autre, comme les marchands font en Europe ; cet ordre ne satisferait point assez leur vue, et l’on ne conclurait rien. Mais lorsqu’ils voient une longue file de sous marqués, ils rient et se réjouissent comme des enfans. Une autre observation, qui n’est pas moins nécessaire, c’est d’ôter de leur vue et d’enlever aussitôt ce qu’on achète d’eux, si l’on ne veut s’exposer à la fantaisie qui leur vient souvent de le reprendre, sans vouloir rendre le prix qu’ils en ont reçu. Il n’est pas difficile, à la vérité, de les y forcer, surtout lorsqu’ils viennent trafiquer dans nos îles ; mais il est toujours important de ne pas renouveler avec leur nation des guerres dont le succès même n’apporte aucun avantage. S’ils redemandent leurs marchandises après qu’on les a serrées, on feint d’ignorer ce qu’ils désirent.

« Les Caraïbes, observe le P. du Tertre, sont indolens et fantasques à l’excès. Il est presque impossible d’en tirer le moindre service. On a besoin avec eux de ménagemens continuels. Ils ne peuvent souffrir d’être commandés ; et, quelques fautes qu’ils fassent, il faut bien se garder de les reprendre, ou même de les regarder de travers. Leur orgueil sur ce point n’est pas concevable ; et de là est venu le proverbe, que regarder un Caraïbe, c’est le battre, et que le battre, c’est le tuer, ou se