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chandise dont où ne fit pas grand commerce aux îles françaises : Labat donne carrière, sur cet article, à l’enjouement naturel de sa plume, et nous en prendrons occasion de donner un exemple de son style. « Autrefois, dit-il, nos créoles recherchaient les armes avec plus d’empressement que les livres. Un bon fusil, une paire de bons pistolets, un coutelas de la trempe d’un bon maître, c’était ce qu’ils cherchaient à se procurer. Les choses sont à présent changées. Quoiqu’ils n’aient pas dégénéré de la bravoure de leurs ancêtres, ils se font honneur du savoir ; ils lisent tous, ou veulent passer pour avoir lu ; ils jugent des sermons et des plaidoyers quelques-uns font des harangues. La plupart des conseillers ont étudié en droit, et se sont fait recevoir avocats au parlement de Paris. La Martinique a même un docteur en droit. Les femmes se mêlent aussi de science ; elles lisent de gros livres. J’en connais une qui explique Nostradamus. On n’a pas manqué d’ériger plusieurs siéges de justice, tous bien garnis de procureurs, de notaires et de sergens. Les chirurgiens, qui jouaient autrefois les trois grands rôles de la médecine, sont à présent renfermés dans les bornes de leur profession ; il y a des médecins, des apothicaires, quantité d’arpenteurs, d’ingénieurs, de botanistes, d’astronomes, et jusqu’à des astrologues. Il leur faut des livres, à ces gens-là, car leur folie étant de passer pour éclairés, quoique la plupart n’y entendent rien, ils ont