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fumeux, il enivre ; et la fermentation ne lui fait pas perdre une qualité mordicante, si naturelle à son fruit, que, si le couteau dont on s’est servi pour le couper demeurait quelques heures sans être essuyé, on en trouverait la lame rongée comme si l’on y avait mis de l’eau-forte. Aussi ne mange-t-on guère d’ananas cru sans l’avoir coupé en tranches, qu’on laisse tremper pendant une heure dans le vin et le sucre.

Un aliment que la nature fournit libéralement dans les Antilles et qui fait la ressource ordinaire des Indiens et des nègres, est le crabe de terre, dont on distingue deux espèces : le grand, qui est peu différent de celui de mer ; et le petit, qu’on nomme vulgairement tourlouroux, est si petit, en effet, que les plus gros n’ont pas plus de deux pouces et demi ou trois pouces de largeur. Leur écaille est assez dure, quoique mince ; elle est rouge ; le milieu du dos est d’un rouge-brun qui s’éclaircit insensiblement jusque sous le ventre, qui est d’un rouge fort clair. Leurs serres sont très-inégales ; la gauche est toujours plus petite que la droite. Ils s’en servent pour couper les racines et les feuilles dont ils font leur nourriture. S’ils rencontrent quelque chose qui les effraie, ils les frappent l’une contre l’autre, comme s’ils voulaient menacer leurs ennemis. Lorsqu’on les prend par une jambe ou par un mordant, ils laissent ce membre dans la main de celui qui le tient, et s’enfuient. Du Tertre et Labat assurent