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L’eau-de-vie de cannes, c’est-à-dire celle qui se fait aux îles avec les écumes et les sirops du sucre, est la passion commune des Américains, des nègres, et des Européens même qui ne sont point assez riches pour faire provision de celle de France. Il leur suffit que cette liqueur soit forte, et qu’elle soit à vil prix, pour leur faire oublier qu’elle est rude et désagréable. Les Anglais, qui en consomment aussi beaucoup, ont inventé deux ou trois sortes de liqueurs qui en sont composées, et dont l’usage, ou plutôt l’abus est passé aux îles françaises. Telles sont le punch, qui s’est communiqué en Europe, et dont la composition y est fort adoucie, mais qui se fait aux îles de deux parties d’eau-de-vie sur une d’eau, avec les autres ingrédiens que personne n’ignore aujourd’hui ; le sang gris, qui est composé d’eau-de-vie, de vin de Madère et de jus de citron, avec de la cannelle et du girofle en poudre, beaucoup de muscade et une croûte de pain brûlée ; la limonade anglaise, qui se fait avec de l’eau-de-vie et du vin de Canarie, du sucre et du jus de citron, toutes sortes d’épiceries, et de l’essence d’ambre. Ceux qui craignent des plaisirs si dangereux, font piler des ananas, et bouillir le jus pendant deux jours dans un vase de terre ; il s’éclaircit, et forme une espèce de cidre dont on vante l’agrément. Le suc ou le jus d’ananas, bien fermenté pendant vingt-quatre heures, devient un vin des plus agréables. La couleur en est belle, l’odeur et le goût délicieux ; mais il est