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dire, en langue indienne, chef des maniocs ; qu’en effet, son bois, ses feuilles et ses racines sont plus grands que ceux des autres, et qu’on le mange sans précaution ; mais qu’étant beaucoup plus long-temps à croître, et ses racines rendant beaucoup moins de farine, parce qu’elles sont plus légères et plus spongieuses que les autres, on le néglige, et que peu de gens en plantent.

Comme la cassave est le pain ordinaire des îles, la boisson commune est l’ouycou, dont les Européens ont appris l’usage et la composition des Américains. On y emploie de grands vases de terre grise, qui se font dans le pays, qu’on appelle canaris, nom que les Européens, qui l’ont emprunté aussi des sauvages, étendent aux vaisseaux de terre de toutes grandeurs. Mais ceux dont on se sert pour composer l’ouycou contiennent soixante et quatre-vingts pots. On les remplit d’eau jusqu’à cinq ou six pouces du bord ; on y jette deux grosses cassaves rompues, avec une douzaine de patates, coupées par quartiers, trois ou quatre pots de sirop de cannes, ou, si l’on en manque, une douzaine de cannes bien mûres, coupées en morceaux et bien écrasées, avec autant de bananes mûres, qu’on écrase aussi. Après ce mélange, on bouche soigneusement l’ouverture du canari, pour le laisser fermenter deux ou trois jours, à la fin desquels on lève avec une écumoire le marc, qui a formé une croûte au-dessus. La liqueur qui se trouve alors dans