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excellente nourriture, qui se digère aisément, et pour laquelle un peu d’habitude fait prendre du goût aux Européens mêmes, quoique d’abord elle leur semble insipide. La cassave s’enfle à vue d’œil lorsqu’on l’humecte avec du bouillon, ou qu’on la trempe simplement dans l’eau ; ce qui prouve assez qu’elle renferme beaucoup de substance.

Pour conserver le manioc en farine, on est fourni d’une grande cuve de cuivre, montée sur un fourneau de maçonnerie, avec un bord de pierre de taille qui l’enchâsse bien juste, et qui augmente sa hauteur de cinq ou six pouces ; on l’échauffe un peu pour y mettre le manioc passé, et pour l’y remuer avec une petite pelle de bois : ce mouvement, qui empêche la farine de s’attacher à la cuve et de se lier, lui fait prendre la forme d’un gros sel roux, lorsqu’elle est cuite et bien sèche. Il ne reste alors qu’à la faire refroidir pour la mettre dans des barils, où elle se conserve des années entières, pourvu qu’elle soit dans un lieu sec, ou qu’on la fasse passer tous les six mois par la poêle. Elle peut être mangée sèche, comme du pain en miettes, ou comme les Orientaux rangent leur riz. Une cuve ou poêle de trois à quatre pieds de diamètre peut cuire en dix ou douze heures trois barils de cette farine, chacun de cinquante pots, mesure de Paris, et trois barils suffisent par semaine pour la nourriture de cinquante nègres.

Les Indiens ne mangent point de farine