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mois pour acquérir toute leur grandeur et leur maturité.

Cet arbrisseau vient de bouture, que l’on place dans des trous de cinq à six pouces de profondeur, éloignés l’un de l’autre de deux pieds. Quand la plante a atteint son degré de perfection, on l’arrache de terre à mesure qu’on en a besoin. On racle l’écorce avec un méchant couteau ; on la lave, ensuite on la râpe pour la réduire en farine, qui ressemble à la grosse sciure de bois, et qui est portée à la presse pour en exprimer le suc : ce suc est regardé comme un poison mortel, non-seulement pour les hommes, mais pour tous les animaux qui mangent les racines avant qu’il soit exprimé. Cependant les animaux qui s’accoutument par degrés au manioc n’en reçoivent aucune incommodité, et parviennent même à s’en engraisser. Les sauvages, qui en mettent dans toutes leurs sauces, n’en ressentent pas non plus les mauvais effets, parce qu’ils n’en mangent jamais qu’après l’avoir fait bouillir.

On se sert de ce suc pour faire de l’amidon, en le faisant dessécher au soleil, où il devient blanc comme la neige. Il prend alors le nom de mouchache, terme espagnol qui signifie un enfant, et que les Français ont adopté comme les Américains. La mouchache sert à composer de petits gâteaux aussi délicats, dit-on, que s’ils étaient de la plus fine fleur de froment. Les Européens et les Indiens ont différentes