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l’économie si loin, qu’ils amassent quelque argent. L’usage qu’ils en font est pour acheter des habits plus propres que ceux qu’on leur donne ; car ils ne reçoivent de leurs maîtres qu’une camisole de bure avec une sorte de caleçons et de bonnets très-informes. Leurs femmes reçoivent des jupons et des corsets de la même étoffe. Mais de l’argent qu’ils amassent les hommes achètent des chemises, des culottes et des vestes ; et les femmes de ces riches nègres obtiennent de leurs maris de quoi se parer les jours de fête.

La passion qu’on leur attribue pour la chair des bestiaux morts d’accidens va si loin, que, dans la crainte des maladies qu’elle peut leur causer, on est obligé de faire enterrer les cadavres à une grande profondeur ; et, malgré ce soin, ils prennent quelquefois le temps de la nuit pour les déterrer. On raconte que le colonel Hols, à qui il était mort une vache d’une maladie dont on craignait la contagion pour les autres, se contenta de la faire jeter dans un ancien puits, sec, et profond de quarante pieds, ne s’imaginant point que ses nègres pussent aspirer à cette proie. Cependant, sans penser à mesurer le puits, et persuadés qu’ils y pouvaient descendre aussi facilement que la vache, ils en prirent la résolution. Un d’entre eux y sauta le premier, un autre après lui, ensuite un troisième, et tous s’y seraient jetés successivement, si l’on ne s’était aperçu de leur entreprise au sixième, qui fut arrêté sur les bords