Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 17.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

acquis 10,000 livres sterling de rente, et tint parole sur ces deux points. Les secours pour arriver à ces immenses fortunes étaient quelques domestiques blancs, des nègres et des esclaves américains. On recevait les premiers d’Angleterre, les seconds d’Afrique ; mais les troisièmes étaient des Caraïbes, qu’on enlevait sur le continent ou dans les îles voisines, quelquefois par artifice, souvent avec violence, et toujours par des voies odieuses. Les Anglais confessent eux-mêmes qu’étant en horreur à ces misérables Américains, il n’y avait que la piraterie et les invasions qui en pussent forcer un petit nombre à les servir : d’ailleurs, ils les traitaient avec une dureté sans exemple. Les nègres, qui n’étaient pas mieux traités, quoique déjà plus nombreux que leurs maîtres, en conçurent tant de rage, que, pour se venger autant que pour recouvrer leur liberté, ils formèrent, en 1649, le dessein de les égorger tous. Cette conspiration fut conduite avec tant de secret, que, la veille du jour qu’ils avaient choisi pour le massacre, toute la colonie était encore sans défiance. Mais un des chefs mêmes du complot, troublé par la crainte, ou peut-être attendri pour son maître par quelques bienfaits qu’il en avait reçus le même jour, lui découvrit le danger qui le menaçait. Des lettres, répandues avant le soir dans toutes les plantations, avertirent les Anglais, qui profitèrent de la nuit suivante pour arrêter tous leurs nègres dans les loges ; et dès