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retirant, ils enlèvent facilement une croûte, que les plumes et la peau ont formée sur la chair ; ils ôtent les boyaux et le jabot, et mangent le reste sans autre préparation. Leur exemple m’a fait manger plusieurs fois de ce rôti ; je l’ai toujours trouvé plein de suc, tendre et d’une délicatesse admirable.

» Je goûtai du poisson à grandes écailles, que les Caraïbes dépouillèrent, comme s’ils l’eussent tiré d’un étui. La chair m’en parut très-bonne, bien cuite et fort grasse. On s’imaginera facilement qu’étant cuite sans aucun mélange d’eau, de beurre ou d’huile, qui en altèrent les sucs, elle n’en peut être que beaucoup meilleure.

» C’était un spectacle fort amusant que cette bande de Caraïbes, accroupis sur leur derrière comme des singes, mangeant avec un vif appétit, sans prononcer un seul mot, et tous épluchant avec autant de propreté que de vitesse les plus petites pates des crabes. Ils se levèrent aussi librement qu’ils s’étaient assis : ceux qui avaient soif allèrent boire de l’eau ; quelques-uns se mirent à fumer, d’autres se jetèrent dans leurs hamacs, et le reste entra dans une conversation où je ne compris rien, parce qu’elle était dans leur ancienne langue. Les femmes vinrent ôter les matatous et les couïs ; les filles nettoyèrent le lieu où l’on avait mangé ; et toutes ensemble, avec les enfans, passèrent à la cuisine, où nous allâmes les voir manger, dans la même posture que les hom-