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celle du peuple. Cette idée me paraît si fausse, que je ne trouve de vérité que dans l’idée contraire. L’unique intérêt du peuple est de rendre son commerce florissant ; et c’est aussi le véritable intérêt de la couronne, puisqu’elle en tire le principal avantage. Au contraire, les gouverneurs n’ayant en vue que leur gain particulier, qu’ils ne se procurent que trop souvent par l’oppression et le découragement du commerce, c’est un intérêt non-seulement opposé, mais extrêmement préjudiciable à celui de la couronne. La vraie nourriture des colonies est un gouvernement libre, où les lois sont sacrées, la propriété bien établie, et la justice rendue avec autant d’impartialité que de promptitude. Une constante expérience nous apprend que les gouverneurs ont un malheureux penchant qui les porte à l’abus de leur pouvoir, et que la plupart doivent leurs richesses à l’oppression. Nous en avons vu quelques-uns saisis par leurs peuples, injuriés, maltraités dans une sédition, renvoyés en Angleterre, et quelques-uns même, tels que le gouverneur Park, devenir la victime de leur avarice ou de leur orgueil. En vérité, ne doit-on pas s’attendre à ces tristes dénoûmens, quand on considère qu’il y a peu de gouverneurs qui voulussent passer la mer pour aller tenir le premier rang à cette distance de leur patrie, s’ils n’étaient un peu à l’étroit dans leur fortune ? Comme ils savent d’ailleurs que rien n’est plus chancelant que leur commission,