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restes de bûches ; mais un de mes compagnons de voyage, qui connaissait mieux que moi la nation, m’assura qu’après avoir goûté de ce mets je ne prendrais pas les Caraïbes pour de mauvais cuisiniers.

» Cependant l’heure du dîner s’approchait, et l’air de la mer nous avait donné de l’appétit. J’ordonnai à nos nègres d’apporter une nappe ; et voyant au coin du carbet une belle natte étendue, que je crus l’endroit où nos hôtes devaient prendre leur repas, je jugeai qu’en attendant qu’ils en eussent besoin, nous pouvions nous en servir. Après y avoir fait jeter une nappe et quelques serviettes, je fis apporter du pain, du sel et un plat de viande froide, qui étaient toutes nos provisions, et je m’assis avec mes deux compagnons de voyage. Nous commencions à manger, lorsqu’en jetant les yeux sur les Caraïbes nous observâmes qu’ils nous regardaient de travers, et qu’ils parlaient au maître avec quelque altération. Nous lui en demandâmes la raison : il nous dit assez froidement qu’il y avait un Caraïbe mort sous la natte où nous étions assis, et que cela fâchait beaucoup ses parens. Nous nous hâtâmes de nous lever et de faire ôter nos provisions. Le maître fit étendre dans un autre endroit une natte sur laquelle nous nous mîmes ; et, pour réparer le scandale, nous fîmes boire toute la compagnie.

» Dans l’entretien que nous eûmes avec le maître, en continuant notre repas, il nous