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leurs ventes. Le gouverneur général, qui voulut s’opposer à une licence excitée par l’abus de l’autorité, vit mépriser des ordres qui n’étaient pas soutenus de la force : il fut même arrêté. Toutes les parties de l’île retentissaient de cris séditieux et du bruit des armes. On ne sait où ces excès auraient été poussés, si le gouvernement n’avait eu la modération de céder. « Pour cette fois, dit Raynal, les peuples ne furent point châtiés du délire de celui qui les gouvernait ; et le duc d’Orléans montra bien dans cette circonstance qu’il n’était point un homme ordinaire, en s’avouant lui-même coupable d’une rébellion qu’il avait excitée par une institution vicieuse, et qui aurait été sévèrement punie sous un administrateur moins éclairé ou moins modéré. » Après deux ans de trouble et de confusion, les inconvéniens qu’entraîne l’anarchie ramenèrent les esprits à la paix ; et la tranquillité se trouva rétablie sans les moyens violens de la rigueur.

Depuis ce temps, jamais colonie ne mit si bien le temps à profit que Saint-Domingue. Ses pas vers la prospérité furent prompts et soutenus. Des établissemens et des plantations se formèrent dans toutes les parties de l’île possédées par la France. En 1726, on y comptait trente mille personnes libres et cent mille esclaves noirs ou mulâtres. Les guerres qui troublèrent ses mers ne firent que comprimer le ressort de sa prospérité. Sa force s’en accrut ; son action en devint plus rapide. D’après le dé-