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lui demander la même grâce, l’accommodement se fit à condition que, s’il apprenait qu’un seul nègre se fût pendu, il ferait pendre le lendemain tous les autres pour aller travailler à la sucrerie de Guinée. Ils le promirent avec serment. Le serment des nègres se fait en prenant un peu de terre qu’ils se mettent sur la langue, après avoir levé les yeux et les mains au ciel et frappé leur poitrine. Cette cérémonie, qu’ils expliquent eux-mêmes, signifie qu’ils prient Dieu de les réduire en poussière comme la terre qu’ils ont sur la langue, s’ils manquent à leur promesse, ou s’ils altèrent la vérité. Un autre habitant s’avisa de faire couper la tête et les mains à tous les nègres qui s’étaient pendus, et de les tenir enfermés sous la clef dans une cage de fer suspendue dans sa cour. L’opinion des nègres étant que leurs morts viennent prendre leurs corps pendant la nuit, et les emportent avec eux dans le pays, il leur disait qu’ils étaient libres de se pendre lorsqu’il leur plairait, mais qu’il aurait le plaisir de les rendre pour toujours misérables, puisque, se trouvant sans tête et sans mains dans leur pays, ils seraient incapables de voir, d’entendre, de parler, de manger et de travailler. Ils rirent d’abord de cette idée, et rien ne pouvait leur persuader que les morts ne trouvassent pas bientôt le moyen de reprendre leurs têtes et leurs mains ; mais lorsqu’ils les virent constamment dans le même lieu, ils jugèrent enfin que leur maître était plus puissant