Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 17.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cordes pour se pendre. Il s’approcha d’eux une corde à la main, et leur dit de ne rien craindre ; qu’ayant appris le dessein où ils étaient de retourner en Afrique, il voulait les y accompagner, parce qu’il y avait acheté une grande habitation, où il était résolu d’établir une sucrerie, à laquelle ils seraient beaucoup plus propres que des nègres qu’on n’avait jamais exercés à ce travail ; mais qu’alors, ne craignant plus qu’ils pussent s’enfuir, il les ferait travailler jour et nuit, sans leur accorder le repos ordinaire du dimanche ; que par ses ordres on avait déjà repris dans leur pays ceux qui s’étaient pendus les premiers, et qu’il les y faisait travailler les fers aux pieds. La vue des charrettes qui arrivèrent aussitôt, ayant confirmé cet étrange langage, les nègres, ne doutèrent plus des intentions de leur maître, surtout lorsque, les pressant de se pendre, il feignit d’attendre qu’ils eussent fini leur opération pour hâter la sienne et partir avec eux. Il avait même choisi son arbre, et sa corde y était attachée. Alors ils tinrent entre eux un nouveau conseil. La misère de leurs compagnons, et la crainte d’être encore plus malheureux leur fit abandonner leur résolution. Ils vinrent se jeter aux pieds de leur maître pour le supplier de rappeler les autres, et lui promettre qu’aucun d’eux ne penserait plus à retourner dans leur pays. Il se fit presser long-temps ; mais enfin ses engagés et ses domestiques blancs s’étant aussi jetés à genoux pour