Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 17.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fessé ; et quoiqu’il ne s’attendît qu’au fouet, il monta l’échelle avec autant d’indifférence que le premier en était descendu, comme si l’un ou l’autre sort ne l’eût pas touché. » C’est à ce mépris naturel de la mort qu’on attribue leur bravoure. On a déjà remarqué que ceux de Mina tombent souvent dans une mélancolie noire qui les porte à s’ôter volontairement la vie. Ils se pendent ou se coupent la gorge au moindre sujet, le plus souvent pour faire peine à leurs maîtres, dans l’opinion qu’après leur mort ils retourneront dans leur pays. Un Anglais établi dans l’île de Saint-Christophe, employa un stratagème fort heureux pour sauver les siens. Comme il les traitait avec la rigueur ordinaire à sa nation, ils se pendaient les uns après les autres, et cette fureur augmentait de jour en jour. Enfin il fut averti par un de ses engagés que tous ses nègres avaient pris la résolution de s’enfuir dans un bois voisin, et de s’y pendre tous pour retourner ensemble dans leur patrie. Il conçut que, les précautions et les châtimens ne pouvant différer que de quelques jours l’exécution de leur dessein, il fallait un remède qui eût quelque rapport à la maladie de leur imagination. Après avoir communiqué son projet à ses engagés, il leur fit charger sur des charrettes des chaudières à sucre, et tout l’attirail de sa fabrique, avec ordre de le suivre ; et s’étant fait conduire dans le bois, lorsqu’on eut vu prendre ce chemin à ses nègres, il les y trouva qui disposaient leurs