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ce qu’ils peuvent avoir de biens. Cette peine leur paraît si rude, qu’elle a plus de force que tous les châtimens pour les faire rentrer en eux-mêmes. Le moindre exemple de confiscation est long-temps un sujet de terreur. Ils sont liés entre eux par une affection si sincère, que non-seulement ils se secourent mutuellement dans leurs besoins, mais que, si l’un d’eux fait une faute, on les voit souvent venir tous en corps pour demander sa grâce, ou pour s’offrir à recevoir une partie du châtiment qu’il a mérité. Ils se privent quelquefois de leur nourriture pour être en état de traiter ou de soulager un nègre de leur pays dont ils attendent la visite.

Leur complexion chaude les rend si passionnés pour les femmes, qu’indépendamment du profit de la multiplication, on est obligé de les marier de bonne heure, dans la crainte des plus grands désordres. Ces mariages ont néanmoins de grands inconvéniens. « La loi du prince, observe le P. Charlevoix, ne veut pas qu’un esclave se marie sans la permission de son maître, et les mariages clandestins sont nuls. Mais s’il n’est pas permis à un jeune nègre de se marier hors de son habitation, que fera-t-il lorsqu’il n’y trouve pas de fille à son gré ? Et que fera un curé lorsqu’un nègre et une négresse de différens ateliers, après avoir eu long-temps ensemble un commerce défendu, sans pouvoir obtenir de leurs maîtres la permission de se marier, viendront lui déclarer à