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étrangers. Dans leur propre langue, quoique les Caraïbes de toutes les îles s’entendent parfaitement, ils ont des dialectes qui ne se ressemblent point. Les deux sexes ont même des expressions différentes pour les mêmes choses, et les vieillards en ont aussi qui ne sont point usitées parmi les jeunes gens ; enfin ils ont un langage particulier pour leurs conseils, auquel les femmes ne comprennent rien. Lorsqu’on a commencé à les connaître, ils n’avaient aucun terme d’injure, aucun de vice, de vertu, d’arts et de sciences. Ils ne savaient nommer que quatre couleurs, blanc, noir, jaune et rouge, auxquelles ils rapportent toutes les autres.

Ils sont naturellement pensifs et mélancoliques, mais ils affectent de paraître gais et plaisans. Le plus grand affront qu’on puisse leur faire est de les nommer sauvages ; ce nom, disent-ils, ne convient qu’aux bêtes farouches. Ils ne souffrent pas plus volontiers qu’on les nomme cannibales, quoiqu’ils n’aient jamais perdu l’usage de manger la chair de leurs ennemis ; et lorsqu’on leur en fait un reproche, ils répondent qu’il n’y a point de honte à se venger. Le nom de Caraïbe leur déplaît moins, quelque idée qu’on y veuille attacher, parce que, dans leur ancienne langue, il signifié bon guerrier ou courageux. Brigstock assure qu’il a la même signification dans la langue des Apalachites.

Ils s’aiment entre eux, et leur sensibilité va si loin les uns pour les autres, qu’on en a vu