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d’autres nations ; mais ils sont beaucoup plus humains dans le traitement qu’ils font à leurs nègres. Premièrement, quoique la prudence les oblige de n’en point acheter sans savoir s’ils ont quelque défaut, ils donnent à la pudeur de ne pas faire eux-mêmes cet examen ; l’usage est de s’en rapporter aux chirurgiens. En second lieu, on accuserait de dureté et d’avarice celui qui les ferait travailler à leur arrivée sans leur accorder quelques jours de repos. Ces malheureux sont fatigués d’un long voyage, pendant lequel ils ont toujours été liés deux à deux avec des entraves de fer. Ils sont exténués de faim et de soif, sans compter l’affliction de se voir enlevés de leur pays pour n’y retourner jamais ; ce serait mettre le comble à leurs maux que de les jeter tout d’un coup dans un pénible travail.

Lorsqu’ils sont arrivés chez leurs maîtres, on commence par les faire manger et les laisser dormir pendant quelques heures. Ensuite on leur fait raser la tête et frotter tout le corps avec de l’huile de palma christi, qui dénoue les jointures, les rend plus souples, et remédie au scorbut. Pendant deux ou trois jours on humecte d’huile d’olive la farine ou la cassave qu’on leur donne ; on les fait manger peu, mais souvent, et baigner soir et matin. Ce régime est suivi d’une petite saignée et d’une purgation douce. On ne leur permet point de boire trop d’eau, encore moins d’eau-de-vie : leur unique boisson est la grappe et l’ouïcou.