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le fais moi-même sur leur front, comme pour en prendre possession au nom de Jésus-Christ et de son Église. Après les paroles ordinaires, j’ajoute : « Et toi, maudit esprit, je te défends, au nom de Jésus-Christ, d’oser violer jamais ce signe sacré que je viens d’imprimer sur cette créature qu’il a rachetée, de son sang. » Le nègre, qui ne comprend rien à ce que je fais ni à ce que je dis, ouvre de grands yeux, et paraît tout interdit ; mais, pour le rassurer, je lui adresse par un interprète ces paroles du Sauveur à saint Pierre : « Tu ne sais pas présentement ce que je fais, mais tu le sauras dans la suite. » Le P. Pers ajoute qu’on s’efforce de les instruire, et qu’ils ont un véritable empressement pour recevoir le baptême, mais que les adultes n’en sont guère capables qu’au bout de deux ans ; qu’alors même il faut souvent, pour le leur conférer, être du sentiment de ceux qui ne croient pas la connaissance du mystère de la Trinité nécessaire au salut ; et qu’ils n’entendent pas plus ce qu’on leur apprend là-dessus que ne ferait un perroquet à qui on l’aurait appris de même ; que la science du théologien est ici fort courte ; mais qu’un missionnaire doit y penser deux fois avant que de laisser mourir un homme, quel qu’il soit, sans baptême ; et que, s’il a quelque scrupule sur cela, ces paroles du prophète-roi, homines et jumenta salvabis, Domine, lui viennent d’abord à l’esprit pour le rassurer.