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tribuent plus de malice que de stupidité et de manque de mémoire se trompent ; et que, pour s’en convaincre, il suffit de voir combien ils ont peu de prévoyance pour ce qui les concerne personnellement. D’un autre côté, on convient généralement que, dans les affaires qu’ils ont fort à cœur, ils sont très-fins et très-entendus ; que leurs railleries ne sont pas sans sel ; qu’ils saisissent merveilleusement le ridicule ; qu’ils savent dissimuler, et que le plus stupide nègre est un mystère impénétrable pour ses maîtres, tandis qu’il les démêle avec une facilité surprenante. Il n’est pas aisé d’accorder toutes ces contrariétés. On ajoute que leur secret est comme leur trésor, qu’ils mourraient plutôt que de le révéler, et que leur contenance est un spectacle réjouissant lorsqu’on veut l’arracher de leur bouche. Ils prennent un air d’étonnement si naturel, que, sans une grande expérience, on y est trompé ; ils éclatent de rire ; jamais ils ne se déconcertent, fussent-ils pris sur le fait ; les supplices ne leur feraient pas dire ce qu’ils ont entrepris de tenir caché. Ils ne sont pas traîtres ; mais il ne faut pas toujours compter sur leur attachement. La plupart seraient fort bons soldats, s’ils étaient bien disciplinés et bien conduits. Un nègre qui se trouverait dans un combat à côté de son maître ferait son devoir, s’il n’en avait point été maltraité sans raison. Lorsqu’ils s’attroupent dans quelque soulèvement, le remède est de les dissiper sur-le-champ à coups