Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 17.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tirent des nègres n’est pas sans inconvéniens. S’il n’y a point de service plus flatteur pour l’orgueil humain que celui de ces malheureux esclaves, il n’en est pas d’aussi sujet à quantité de fâcheux retours ; et l’on assure que la plupart des habitans de nos colonies s’affligent de ne pouvoir être servis par d’autres valets n’y eût-il que ce sentiment, naturel à l’homme, de compter pour rien les services que la crainte seule arrache, et des respects auxquels le cœur n’a jamais de part.

« Malheureux, dit le P. Charlevoix, celui qui a beaucoup d’esclaves ! c’est la matière de bien des inquiétudes, et une continuelle occasion de patience : malheureux qui n’en a point du tout ! il ne peut absolument rien faire ; malheureux qui en a peu ! il faut qu’il en souffre tout, de peur de les perdre, et tout son bien avec eux. »

Les nations établies entre le Cap Blanc et le cap Nègre sur la côte d’Afrique, sont proprement les seules qui paraissent nées pour la servitude. Ces misérables avouent, dit-on, qu’ils se regardent eux-mêmes comme une nation maudite. Les plus spirituels, qui sont ceux du Sénégal, racontent, sur une ancienne tradition dont ils ne connaissent pas l’origine, que ce malheur leur vient du péché de leur premier père, qu’ils nomment Tam. Ils sont les mieux faits de tous les Nègres, les plus aisés à discipliner, et les plus propres au service domestique. Les Bambaras sont les plus