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ture, l’opprobre des hommes, et qu’il ne diffère guère des plus vils animaux. Sa condition du moins ne le distingue pas des bêtes de charge. Quelques coquillages font toute sa nourriture : ses habits sont de mauvais haillons qui ne garantissent ni de la chaleur du jour ni de la trop grande fraîcheur des nuits. Ses maisons ressemblent à des tanières d’ours ; ses lits sont des claies, plus propres à briser le corps qu’à procurer du repos ; ses meubles consistent en quelques calebasses et quelques petits plats de bois ou de terre. Son travail est presque continuel, son sommeil fort court. Nul salaire. Vingt coups de fouet pour la moindre faute. C’est à ce fatal état qu’on a su réduire les hommes qui ne manquent point de raison, et qui ne peuvent ignorer qu’ils sont absolument nécessaires à ceux qui les traitent si mal.

Dans cet incroyable abaissement, ils ne laissent pas de jouir d’une santé parfaite, tandis que leurs maîtres, qui regorgent de biens et qui ne manquent d’aucune sorte de commodités, sont la proie d’une infinité de maladies. Ils jouissent donc du plus précieux de tous les biens ; et leur caractère les rend peu sensibles à la privation des autres. On n’a pas fait difficulté de soutenir que ce serait leur rendre un mauvais office que de les tirer de cet étal. À la vérité ceux qui tiennent ce langage y sont intéressés : on peut dire qu’ils sont à la fois juges et parties. Cependant l’avantage qu’ils