Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 17.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il nous apprend que l’usage de cette colonie est de marquer les nègres lorsqu’on les achète. On se sert, pour cette opération, d’une lame d’argent très-mince, qui forme leur chiffre ; elle est soutenue par un petit manche ; et comme le chiffre ou les lettres pourraient se trouver les mêmes dans plusieurs habitations, on observe d’appliquer la lame en divers endroits du corps, ce qui s’appelle étamper un nègre. Il suffit de chauffer l’étampe sans la faire rougir ; on frotte l’endroit où elle doit être appliquée avec un peu de suif ou de graisse, et l’on met dessus un papier huilé ou ciré, sur lequel l’étampe s’applique le plus légèrement qu’il est possible. La chair s’enfle aussitôt ; et dès que l’effet de la brûlure est passé, la marque reste imprimée sur la peau, sans qu’il soit jamais possible de l’effacer. Un esclave qui est vendu et revendu plusieurs fois se trouve aussi chargé de ces caractères qu’un ancien obélisque d’Égypte. On n’a point cette méthode dans les petites îles, et les nègres y seraient au désespoir de se voir marqués comme les chevaux et les bœufs ; mais on a jugé cette précaution absolument nécessaire dans une île aussi vaste que Saint-Domingue, où les nègres peuvent fuir et se retirer dans des montagnes inaccessibles : c’était le cas où la colonie se trouvait alors. On proposa d’assembler des volontaires pour enlever ceux qui avaient pris la fuite ; personne ne se présenta pour une expédition qui ne promettait que de la fatigue